24 janv. 2021, 18:35
La foule assise face à lui, Vilgot pouvait commencer son discours tandis que les lumières commençaient à s'éteindre dans la salle, à l'exception notable peut-être que la lumière de la scène, parce qu'il était évidemment plus pratique au spectateur de voir qui lui parlait. Le vieil homme à l'accent reconnaissable parmi mille, qui roulait harmonieusement les r, s'adressa avec la même joie et la même sympathie à son auditoire qu'aux triviales gens.
Mes très chers camarades,
Ce soir, je suis venu vous dire que la droite s'en va. Non pas de sa propre volonté puisqu'elle n'a qu'une idée en tête : garder le pouvoir. Et que nous autres, communistes, comme l'a si joliment dit le camarade Ivan, n'en avons qu'une autre, celle de vous le rendre. Vous allez me demander : Le pouvoir au peuple, comment ? Je ne vous ferais pas aujourd'hui de leçon de démocratie directe, pas aujourd'hui car c'est à un autre qu'on a confié la tâche de défendre les tribunats, ces instances que nous avons créé avec l'ensemble des forces de la gauche, pour défendre les individus contre l'État lorsque celui-ci devient oppressif. Comme lorsque, par exemple, il supprime le statut de fonctionnaire, ou bien qu'il se met à taxer frénétiquement tous les revenus, y compris en dessous de 100 Augustis par mois et par personne. Avec ce gouvernement, non seulement, on ne vous donne rien mais en plus, on vous en prends constamment. Tous les saphyriens et toutes les saphyriennes qui vivent modestement le savent, le parti communiste n'a fait que les aider à sortir de la misère, à se former et à intégrer des professions intellectuelles. Nous avons remis en marche l'ascenseur social que Madame Sullivan-Pettersen, au nom du libéralisme, a définitivement mis hors service. Définitivement ? Non ! Le progrès ne s'arrêtera jamais et, partout il se trouve des communistes pour les défendre, les peuples de la Terre se mettent en mouvement et s'arment intellectuellement et électoralement contre les pouvoirs arbitraires et aux ordres d'une classe dominante et mondialisée qui ne fait que vampiriser d'écho en écho, les pays du monde entier. La bourgeoisie antinationale, nous la condamnons et nous la réprouvons catégoriquement. Est-ce pour cela qu'il faut appliquer un monopole d'État sur tout secteur économique ? Non, bien sûr que non. Les communistes n'ont jamais aspiré à cela et nous n'appliquerons jamais cela.
Que demandons-nous alors ? Nous demandons en premier lieu, l'extension des nationalisations à tous les secteurs nationaux qui méritent que la nation en récupère le contrôle. Nous n'en pouvons plus de ces industries délocalisées, de ces emplois supprimés, de ces postes détruits par les puissances de l'argent, à la botte du régime fédéré. Les Sullivan sont de ceux-ci qui s'enrichissent sur notre dos pour mieux importer les fonctionnements inégalitaires et antinationaux de la Fédération-Unie. Monsieur vit dans un ranch, le père possède une Holding et Madame fait du management au sommet de l'État. À quand l'économie saphyrienne dirigée selon la logique et les théories économiques saphyriennes ? Sommes-nous plus bêtes ? Sommes-nous plus stupides aux yeux de ces gens-là pour être incapables de penser de nous-mêmes, le meilleur système national qu'il nous faut et qui conviendrait ? Ces gens-là doutent de tout ce qui fait le Saphyr et ne s'en remettent aveuglément qu'à ce qui est étranger et provient de l'horreur nationale qu'est la Fédération-Unie. Ils doutent des capacités de nos économistes. Ils doutent des capacités de notre nation à se gérer d'elle-même et non selon les bons ordres d'un pays supérieur. Ils doutent des capacités de nos travailleurs à gérer eux-mêmes les entreprises et préfèrent les mettre entre les mains de super-patrons étrangers plutôt qu'entre celles des honnêtes travailleurs du Saphyr. Ils doutent des capacités de nos services publics et de l'intérêt commun. Moi, je n'ai aucun doute sur les capacités extraordinaires d'une nation exceptionnelle qu'est le Saphyr. Je n'ai aucun doute sur la force immense et l'intelligence solide de nos économistes, de nos sociologues et de notre peuple laborieux.
Une fois que nous aurons étendu à tous les services qui nécessitent par stratégie ou par importance, la nationalisation, comme les premières matières, comme les énergies, nous passerons au stade du développement qualitatif de notre économie nationale. Quelle a été la stratégie de la droite et du centre ? Laisser en plan et sans moyens nos administrations et nos entreprises publiques afin qu'elles se dégradent et qu'elle puisse ensuite arriver comme une fleur et annoncer que la meilleure chose à faire c'est de privatiser. Et encore une fois, elle aura volé le bien commun des saphyriens et des saphyriennes pour le donner sur un plateau d'argent et avec un joli nœud, aux patrons fédérés. La Présidente du Conseil feignait de craindre l'Union de Novgrad et nos liens étroits, pourtant qu'a t-elle fait, sinon asservir nos travailleurs aux diktats de Saint-Paul ? Toute sa politique, toute sa pensée, toute la finance qu'elle contrôle, elle et sa famille, tout cela ne va que dans le sens de l'ennemi ; du financier étranger qui veut prendre au Saphyr ses forces vives, le fruit de son labeur pour l'exporter ensuite et ajouter l'appropriation, le pillage ! Ne laissons pas faire l'ennemie intérieure et empêchons-la pour longtemps de s'attaquer à la qualité de nos biens communs. Réduire la qualité des entreprises publiques aujourd'hui, c'est justifier leur démantèlement et leur vente aux milliardaires fédérés demain. Alors nous proposons d'inclure la concurrence dans nos services publics et dans ce qui fait la colonne vertébrale de nos biens communs.
Comment sera cette concurrence ? Elle se concrétisera par la division en branches rationnelles de nos entreprises publiques qui seront alors en concurrence les unes des autres pour récolter les subventions publiques et les investissements qui vont avec. Chacune devra surpasser l'autre et chacune sera amenée à s'améliorer constamment. Nous appliquerons cette mesure aux industries nationales, du fer, du charbon et de toutes les productions dont nous avons nationalisé la production. C'est-à-dire des industries dont nous avons protégé les emplois nationaux. Si nous ne l'avions pas fait, que serait-il advenu ? Nos entreprises qui souffrent d'un gros désavantage au regard de l'économie mondiale, auraient périclité et les emplois auraient été détruits. Quel est notre gros désavantage ? Celui que nous faisons en sorte que nos travailleurs et nos travailleuses puissent vivre de leur travail. En Fédération-Unie, on presse et on oppresse le salarié jusqu'à ce qu'il n'ait plus que la pauvreté pour l'accueillir, les emplois sont rares, précaires et très peu rémunérés. Au Saphyr, on protège et on préserve l'emploi jusqu'à ce que chacun en ait trouvé un qui lui convienne. Les emplois sont plus nombreux et mieux rémunérés. Que pouvons-nous vouloir de plus ? La qualité du travail effectué ! Et c'est en ce sens que nous devons mettre en concurrence qualitative, nos services publics et nos entreprises publiques. Pour protéger la qualité et, par là, protéger nos emplois, nos industries et notre patrimoine qui serait délocalisé, détruit et démanteler par les financiers étrangers sitôt privatisation faite, pour protéger ce qui fait battre le cœur du Saphyr, nous n'avons qu'une seule solution ; la concurrence qualitative ! Et c'est ce que nous vous proposons à tous les échelons de l'économie. Dans l'économie socialiste, c'est-à-dire publique et répondant à des plans : la concurrence qualitative d'entreprises publiques pour que jamais la qualité ne se réduise. Dans l'économie capitaliste, c'est-à-dire privée et répondant à l'accumulation capitalistique et à la recherche de profits : la concurrence qualitative d'entreprises privées de taille modérée.
Pourquoi dis-je que nous voulons la concurrence partout ? Eh bien parce que le problème du public ou du privé, n'est pas la possession en soi des moyens de production. La qualité ne chute pas si c'est l'État ou le privé qui possède. La qualité chute lorsque la concurrence est vaincue et qu'un monopole s'installe durablement. Voilà pourquoi la division publique des entreprises devra s'accompagner de lois anti-trust pour diviser également les grandes entreprises qui étouffent les petits commerces, les entreprises modestes et les jeunes entreprises innovantes. Quand un terrain est occupé par des Holdings comme celles des Sullivan, il n'y a plus de place pour le développement et la qualité pique du nez. La marque a pour effet de séduire et de donner l'impression ou le souvenir d'une qualité qui s'érode avec le temps si l'entreprise privée ou publique n'est pas contrainte à devenir meilleure à chaque instant. Tandis que l'industrie publique doit vivre pour protéger nos emplois traditionnels qui ne seraient pas assez compétitifs sur le marché mondial mais qui forment la colonne vertébral de notre culture saphyrienne, l'industrie privée doit vivre pour laisser à chacun la chance de réussir. Mais l'un comme l'autre des objectifs ne réussira pas si nous centralisons tout et si nous homogénéisons tout. La concurrence, voilà le remède ! La concurrence, voilà le moteur du développement et l'huile pour que le moteur ne s'engraisse pas ; voilà c'est qu'est, tout à la fois, la concurrence qualitative. Et elle ne peut s'épanouir et exister si continuent de se perpétuer trusts et monopoles. Démantelons, démantelons, démantelons ! Comme un arboriste coupe les feuilles énormes des sommets pour que voient la lumière les pousses prometteuses !
Vive le Saphyr !