Résidence principale des Pendra de Karterald, le 28 juillet 179 - Salon Bleu
Une petite femme brune au chignon ferme et au regard d'ordinaire autoritaire marchait le pas pressé le long du couloir du Salon Bleu. La maitresse de maison tenait dans ses mains une enveloppe scellée qui portait le sceau des cousins Pendra de Lysennie. Cela faisait si longtemps que les deux branches ne s'étaient pas correspondu que voir une lettre de leur part arrivée ici était étonnant. En fait, depuis la mort de Jules et de William et la brève visite de sa grande tante, Charlie n'avait plus eu de nouvelles. La petite femme entra dans le salon et alla trouver la comtesse.
Cette dernière était assise dans un fauteuil près d'une des larges fenêtres de la tour où était installé le Salon Bleu. Son regard fixait l'horizon de la ville. Sa longue chevelure reposait de son épaule gauche au milieu de son dos. Elle était emmitouflé dans une vaste couverture avec sa chienne, Noémie, à ses pieds. La salle était aussi grande qu'un salon devait l'être. L'atmosphère était chaleureuse. Une porte sur le fond donnait accès au la bibliothèque puis au bureau de la Comtesse. Manifestement, Charlie n'avait pas remarqué qu'une autre personne était présente dans la pièce. La maitresse de salon se gratta la gorge pour tirer la belle femme de sa rêverie.
- Millie, bonjour.
- Votre Grâce, vous avez reçu, visiblement, une lettre de vos cousins de Lysennie. En tout cas, c'est ce dont j'ai déduis du sceau apposé sur l’enveloppe.
Charlie lança un regard curieux auquel la petite femme répondit en lui tendant la lettre. La comtesse la prit dans ses mains et observa le sceau. Un dragon y figurait. Bel et bien une lettre de la branche cousine. Le contenu semblait lourd. La jeune femme tourna son regard vers Millie et lui donna permission de se retirer. La maîtresse exécuta une brève révérence et repartie d'où elle venait.
Charlie se leva en faisant tomber la couverture sur Noémie – non sans que cette dernière m’émette un léger jappement et ouvrit la porte qui donnait sur la bibliothèque du château. Elle traversa rapidement la large pièce et entra dans son bureau pour y chercher un ouvre-lettre. Et chose fut faite. Et chose fut faite. Elle déchira le sceau et sortit de l’enveloppe une feuille, trois documents et une carte. Après avoir tout déposé sur le meuble de bureau, la comtesse prit la lettre et lut.
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« Adorée nièce,
Je tiens en premier lieu à m'excuser de nos correspondances se faisant rares. Il faut dire que je suis beaucoup occupée en ce moment. Depuis la mort de ton grand-oncle, Nicolas, la vie est moins vive qu'avant. J'en ai donc profité pour me plonger dans la généalogie de notre famille avec ta cousine, Claire. Tu sais toi-même à quel point cela m'a toujours beaucoup fasciné mais ton grand-oncle lui ne voulait pas en entendre parler. Mes recherches ne se limitaient donc qu'à mon proche entourage.
Mais je divague. Au fil de nos travaux et de notre approfondissement dans les textes que nous avons pu nous procurer, nous sommes remontés jusqu'à toi et ta branche. Seulement, il y a un soucis. Les documents, que ta cousine et moi avons croisés et recroisés pour être sûr de ce que nous découvrions, nomment un certain Carl comme troisième fils de Jules Pendra que nous supposons être "de Karterald". Tu verras ce dont je veux parler plus bas. Le nom apparaissant après Carl est mystérieusement rayé sur tout les papiers.
Ta cousine et moi-même avons hésiter longtemps avant de t'en parler. Nous voulions être sûr que ce n'était pas une erreur de l'administration. Nos travaux de recherche nous tournaient toujours vers la même conclusion. Ce Carl dont tout les documents parlent, existe et doit encore être vivant. Je sais que cela peut paraître comme étant une plaisanterie. Mais je ne te ment pas. Pour preuve, je t'ai envoyé en annexe de cette lettre, trois documents lysenniens à propos de notre famille et qui font mention du ci-nommé.
J'ai également joint une carte. Sur celle-ci, une adresse où te devra te rendre, tu trouveras. L'adresse d'un vieil ami à moi, expert en généalogie, qui pourrait sûrement te renseigner plus en profondeur sur ce Carl. Il a travaillé longuement aux archives impériales du Saphyr. Un grand homme et un grand ami de confiance.
Dès que tu as de nouvelles informations sur ce Carl, n'hésite pas à m'en faire part. De notre coté, Claire et moi continuons nos recherches. Nous pourrions également organiser rapidement une rencontre en Lysennie. Les grands voyages sont assez usant pour moi.
Avec amour,
Ta grande tante, Julie.
Charlie, assise sur la chaise du bureau relut plusieurs fois la lettre. Elle voulait se rassurer et croire qu'elle avait mal lu. Que c'était une erreur. Au bout de la troisième lecture, la jeune femme posa la lettre sur le meuble et examina, la main tremblante, les trois autres documents.
Julie, sa grande-tante, ne mentait pas. Tous sans exception faisait mention d'un Carl issu d'un Jules Pendra. Et une inscription était bel et bien raturée après chaque "Carl". A la cinquième relecture, Charlie remarqua qu'aucune mention du « Karterald » habituellement apposé après leur nom n'était faite dans les documents. C'était ce qui distinguait sa branche de celles de Lysennie et d'Ostaria. Une erreur ou un oubli, peut-être. Ou bien, sûrement, les papiers faisaient en réalité allusion à une autre famille Pendra.
Tout pouvait être possible. La jeune femme était perdue. Sa raison se rattachait à cet élément particulier. Et après tout, comment cela se fait-il qu'elle n'a jamais était tenue au courant de l'existence d'un deuxième frère ? Oui, c'était sûrement une erreur. Julie et Claire avaient jugés trop vite.
Un peu rassurée, elle déposa le dernier document sur le bureau et décida de porter son attention sur la carte contenu dans la lettre. Cette dernière était sobre et soignée.
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Daniel OLHSSON
34, impasse de la rose,
NIELSBURG
"Nielsburg. Tient donc. Ville du Rigland administré par le remarqué Horace Bunch dans une principauté encore tenue par le Ministre-Président Cappelen, ex-Président du Conseil Impérial. Ce jeune boulanger devenu un des plus hauts responsables du pays dont l'attitude et le discours n'avaient rien pour me charmer."
pensa-t-elle.
Pendant plus d'un quart d'heures elle alterna les relectures avant d'être tirée de ses réflexions par la petite dame qui était venue lui présenter la lettre. En effet, Millie se tenait dans l'encadrement de la porte.
- Madame, Edvin est passé il y a un peu plus d'un quart d'heure. Il a demandé à vous voir mais comme vous étiez occupez à votre bureau, je lui est indiqué que la comtesse ne pouvait pas recevoir ce matin.
Millie hésita un instant avant de continuer.
- Il a confirmé sa venue à votre soirée. D'ailleurs, j'ai pris la permission de dresser la liste des confirmations que nous avons reçus. Elle est sur votre bureau.
- Merci, c'est très aimable à vous Millie. Edvin a-t-il ajouté quelque chose ?
- Oui, votre Grâce. Il m'a transmis un bouquet à votre attention que je fais mettre en pot dans le Grand Salon.
Une attention qui ne pouvait pas mieux tomber ...
Fin de l'épisode 1